Cinq conseils pour gérer au mieux le surstockage
[Contenu proposé par La Pomme de terre française] Avec près de 900 000 t de pommes de terre récoltées en plus cette année par rapport à 2024, la gestion du stockage risque d’être compliquée. Rappel des bons conseils par deux spécialistes du secteur.
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Les volumes de pomme de terre récoltés en 2025 s’annoncent pléthoriques, avec 8,5 Mt estimées par l’UNPT, contre 7,7 Mt en 2024. Un niveau inédit depuis plus de dix ans, qui s’explique par une progression exceptionnelle des surfaces qui atteignent 197 000 ha, soit + 25 % depuis 2023. Pousser les murs des bâtiments n’étant pas chose aisée, forcément en stockage, ça va coincer ! Quelques conseils pour gérer au mieux des stocks archipleins et préserver la qualité du produit tout au long de la campagne.
1. Le stockage se prépare en culture
« Pour un stockage à long terme réussi, stocker des pommes de terre mûres est indispensable », rappelle Éric Colpaert, cofondateur de Klim’Top Controls, spécialiste de la ventilation-réfrigération. Des tests en laboratoire peuvent être pratiqués pour vérifier la matière sèche, le taux d’amidon, les éventuelles maladies, l’âge physiologique, le goût… Il conseille de conserver les résultats et de les mettre en perspective selon les amendements, les suivis de parcelle, etc., « car un problème au stockage ne vient pas forcément d’un problème d’équipement de stockage », rappelle-t-il.
2. Les précautions à prendre à la récolte
Pour préserver la qualité des pommes de terre, des précautions sont à prendre dès la récolte. Une récolte à des températures fraîches, idéalement entre 12 et 18 °C, permet de limiter les pertes de poids. « En effet, des tubercules plus chauds nécessiteront plus d’heures de fonctionnement de la ventilation pour les refroidir à la température de consigne », indique Morgane Flesch, d’Arvalis. Le passage plus fréquent d’air autour des pommes de terre risque donc de les déshydrater. Lors de l’arrachage, la vigilance est de mise pour ne pas blesser les pommes de terre et ainsi limiter les phénomènes de transpiration. « De même, effectuer un tri pour écarter les tubercules atteints de maladie permet de débuter son stockage dans les meilleures conditions en limitant les pertes de poids et en fermant les portes d’entrée des pathogènes », souligne-t-elle.
3. Soigner le séchage et la cicatrisation
« Selon les types de marché, les variétés et les températures à l’arrachage, les températures de ventilation devront être adaptées afin de permettre un séchage et une cicatrisation adéquate, tout en travaillant avec de grandes capacités de ventilation », indique Éric Colpaert. Différentes possibilités de ventilation forcée s’offrent à vous et sont, dans certains cas, nécessaires. Le séchage par condensation (à température constante) est également une option possible, « surtout pour les variétés tardives qui se stockent à température élevée », précise-t-il.
Pour être certain de sécher son tas, une ventilation par de l’air plus froid que la température du tas est à prévoir. « L’air froid contiendra une quantité d’eau moins importante, même à 100 % d’hygrométrie », indique Morgane Flesch. Ainsi, une ventilation ajustée aux conditions climatiques peut être beaucoup plus efficace qu’une ventilation 24 heures sur 24, qui pourrait par moments réhumidifier le tas. « Disposer de sondes de températures fiables bien positionnées sur l’ensemble du tas est donc primordial », pointe-t-elle (voir encadré).
Pour un séchage efficace, la capacité de ventilation doit être élevée. « 100 m3/h par m3 de tubercules stockés en vrac, 60 m3/h par m3 pour un stockage en palox, et 40 m3/h par m3 pour un frigo », précise Morgane Flesch.
Pour assurer un brassage d’air homogène, le tas doit être plat et les palox bien disposés. « Attention au surplus de pommes de terre qui pourraient surcharger la cellule de stockage. Il risque de conduire à une mauvaise ventilation et donc engendrer, entre autres, des problèmes de contrôle de la germination, de pourritures ou encore des faces planes avec la pression d’un tas en vrac », prévient-elle.
Une fois les tubercules secs à 30 cm de profondeur, la phase de cicatrisation se met en place. La température est abaissée progressivement entre 12 et 15 °C, et maintenue durant une quinzaine de jours, permettant à la peau et aux éventuelles blessures de cicatriser, limitant ainsi les pertes de poids et le risque de développement de maladie. « La mise en place d’un automate de régulation facilite la conduite de ses phases », souligne-t-elle. Dans le cas d’un manque de disponibilité en air froid extérieur lors de la phase de séchage, effectuer un réchauffement intermittent du tas est possible. « Pour cela, nous conseillons de travailler avec un générateur d’air chaud dans le bâtiment, avant de recourir de nouveau à une ventilation avec l’air extérieur froid et donc plus sec. »
Éric Colpaert, pour sa part, confirme que pour sécuriser la descente de température, passer par un système de froid mécanique est indispensable. « Il doit permettre d’obtenir des petits deltas sur l’air afin de ne pas déshydrater l’humidité de l’air, ce qui finirait par déshydrater les pommes de terre et nuirait tant à leur qualité intrinsèque que visuelle. »
4. Maintenir la température
Une fois cette étape de séchage et cicatrisation accomplie, la température pourra être progressivement abaissée à celle de consigne. « Un abaissement progressif de 0,5 à 1 °C par jour pour le marché du frais et 0,3 à 0,5 °C pour l’industrie limite le noircissement à la friture, rappelle Morgane Flesch. Après toute ventilation froide, une homogénéisation des températures du tas est nécessaire. Elle passe par une phase de ventilation en recyclage interne, dont la durée est d’environ 20 % du temps de ventilation avec l’air extérieur. »
Après la phase de descente en température, celle de maintien est pour Éric Colpaert le bon moment pour aller chercher des petites économies tous les jours ou toutes les heures… « Du stockage de froid tampon récurrent, produit en heure creuse ou solaire, peut créer de réelles économies. Les utilisations de production solaire peuvent être largement optimisées et les solutions de connectivité constantes permettent à la plupart des stockeurs de rester en lien permanent avec leur bâtiment », précise-t-il.
« Le stockage est un des premiers postes de consommation d’énergie primaire avec l’irrigation », confirme Morgane Flesch. Près de 40 % de la consommation d’électricité de la campagne se déroule lors des quatre à six premières semaines de stockage (voir encadré en fin d'article).
5. Appliquer les antigerminatifs correctement
« Les différentes applications d’antigerminatif peuvent se réaliser avec ou sans l’aide de la ventilation, note Éric Colpaert, mais devront être parfaitement réparties dans l’entièreté du stockage, en vrac ou en caisses, avec, là encore, des réglages précis. »
Avant tout traitement, la cicatrisation des tubercules ainsi que le séchage doivent être finalisés, notamment pour les produits appliqués par nébulisation. « Le risque de brûlures peut être important dans ces situations, note Morgane Flesch, d’autant plus si les tubercules sont immatures et stockés à basses températures ou en présence de condensation. » Protéger les pommes de terre proches du point d’application de thermonébulisation est possible avec des matériaux non inflammables. Du carton peut aussi préserver le dessus de tas devant les buses du groupe froid pour éviter des projections de gouttelettes.
Pour faciliter la gestion des lots et réaliser des économies de produits antigerminatifs, Arvalis conseille de stocker dans une même cellule les variétés avec des repos végétatifs proches. Une inspection hebdomadaire minimale permet de prévenir les défaillances d’automates, surveiller l’état sanitaire et l’évolution de la germination.
Les différentes molécules antigerminatives peuvent être utilisées au cours d’une même campagne, notamment pour associer l’effet préventif et curatif des matières actives en fonction de l’état des tubercules. « Attention cependant à respecter les doses de produits homologués et à ne pas appliquer les produits simultanément », rappelle Morgane Flesch.
Pour les thermonébulisations, respecter les conditions d’application des produits, ainsi que les températures recommandées, est primordial. « Chaque produit possède une température d’auto-inflammabilité au-delà de laquelle il peut prendre feu en bout de canon. Une surveillance est donc nécessaire lors de toute l’application », insiste-t-elle.
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